Les filles dansent comme s’il pleuvait des chatons

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Jour 3 du FIL, jour de canicule à Montréal. Cette vague de chaleur trop tardive de septembre, c’est comme si une ex se présentait à ma porte, un beau matin, pour demander pardon d’avoir été une si mauvaise amoureuse et d’avoir mis fin si abruptement à notre relation. « Sorry, Été, t’as eu ta chance, là je suis avec Automne, je suis très heureux, faque j’veux pu te voir la face, dégage ! »

J’étais donc tout content d’aller me vautrer dans l’air frais du Lion d’or, ce soir, pour la présentation de la Levée d’écrou 2017.

(petit aparté : la climatisation et la littérature sont intimement liées : c’est un certain Willis Carrier qui inventa la climatisation en 1902, en réponse à un problème de qualité d’air à la Sackett-Wilhelms Lithographing & Publishing Company de Brooklyn. Fin de l’aparté).

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J’avais hâte à cette soirée pour d’autres (meilleures) raisons : d’abord, l’Écrou est une maison de poésie ultra-sympa, fière et indépendante, dirigée par les fous Jean-Sébastien Larouche et Carl Bessette. Deuxio, la description du spectacle dans le programme du FIL était pour le moins alléchante :

Lorsque les poètes acceptent que leurs mots se retrouvent derrière les barreaux d’un bout de carton plié, c’est un peu comme signer le registre d’écrou pour un prisonnier, à son entrée au pénitencier. Ils se figent, encagés, à la merci du lecteur qui est geôlier. Les Éditions de l’Écrou ont toujours désiré crocheter à l’occasion la serrure et laisser de nouveau la liberté aux mots et aux voix des auteurs qu’elles ont écroués dans les livres. Sous la forme d’une annuelle Levée d’Écrou, mettant en scène leurs auteurs publiés ces cinq dernières années, elles vous offrent un spectacle tout à fait unique de souffles poétiques forts, multiples et fulgurants. Pour la troisième édition de ce spectacle-évènement inimitable, saisissant et incontournable, ce sont dix-huit poètes qui embrassent la scène comme une mutinerie, accompagnés d’un musicien versatile, avec une offre renouvelée et totalement inédite, toujours à couper le souffle.

Lorsque j’entrai au Lion d’or, outre la fraîcheur de l’air ambiant qui me ravit, je fus surpris de constater que la presque totalité des personnes dans la salle était dans la très jeune vingtaine. J’apprendrai quelques minutes plus tard — j’ai des plogues — que des professeurs de littérature avaient décidé d’amener leurs étudiantes et étudiants voir le show. Bravo. Meilleure façon ever de leur faire aimer la poésie.

Je penserai beaucoup à ces jeunes pendant la première partie de ce fabuleux spectacle (je devais quitter à l’entracte pour écrire ce billet). L’écurie de l’Écrou, composée ce soir de dix-huit poètes et poétesses, leur a montré que la poésie était bien vivante et qu’elle savait leur parler. Ils n’ont d’ailleurs pas hésité à applaudir des bouts de poèmes particulièrement savoureux et à rire à gorge déployée.

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Lorsqu’un poète a lu cet extraordinaire vers :

les filles dansent comme s’il pleuvait des chatons

dans la salle, tout le monde a ri.

D’abord parce que c’était vraiment drôle comme image.

Mais aussi parce que ce poète avait eu le génie de nous faire voir comment les filles dansait, grâce à sa pluie de chatons. J’ai vu les lasers et leurs bras revoler dans tous les sens et le brillant de leurs yeux et l’ondulation de leurs hanches et leurs sourires juste trop immenses du bonheur de danser.

J’aurais pu recopier ici cinquante vers de ces poètes de l’Écrou qui m’ont plu ce soir. Tiens, un dernier, pour la route :

tu me regardais comme si j’avais changé

et c’était la première fois qu’on se voyait

À demain.

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