Amours queers au Groenland, Fanfreluche, grosses bières et empoignades poétiques

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Depuis huit jours, chaque jour, même si je sais de quoi je dois parler dans mon billet de blogue, je ne sais jamais de quoi exactement je vais parler. Je passe ainsi plusieurs longues minutes à me ronger les ongles ou à regarder Tiger Woods jouer à la Coupe Ryder ou à me faire un café ou à chatouiller ma petite Adèle ou à gosser sur Facebook ou à publier une photo sur Instagram ou à préparer le souper ou à prendre ma douche tout en réfléchissant à une entame pour mon prochain texte (la première phrase, c’est comme un premier baiser ou une première caresse : tu ne peux pas la rater), à une thématique qui relierait les shows vus la veille. Aujourd’hui, pour tout vous dire, j’étais dans des vignobles afin de prendre des photos pour un prochain projet de livre à voir le jour l’automne prochain et au beau milieu des vignes, dans un décor à faire rêver, clic clic clic, je me demandais encore : comment vais-je pouvoir finir par écrire ce putain de billet tantôt ?

Finalement, comme dit mon beau-père, pourquoi se casser le bécique ? Raconte ta fin de journée de fou d’hier ! que je me dis.

OK ? Go.

13 h 30

Entrevue et shooting photo avec Sol Picó, dans un studio de danse de Park Ex.

15 h

Retour à la maison. Retouches photo. Verbatim, puis écriture de l’entretien que je viens d’avoir avec la danseuse catalane.

17 h 15

Publication du billet, souper rapide, douche, hop, dans l’auto !

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18 h 30

 

Arrivée à Cinquième Salle de la Place des Arts pour prendre des photos des répétitions du spectacle Homo Sapienne, qui aura lieu tout à l’heure, à 20 h (il reste encore quelques billets, si vous vous cherchez un plan de dernière minute pour meubler votre samedi soir; moi j’y serai). Homo sapienne raconte la vie de cinq jeunes vivant à Nuuk, dans la capitale du Groenland. Cinq jeunes qui vivent des changements profonds : Fia découvre qu’elle aime les femmes, Ivik comprend qu’elle est un homme, Arnaq et Inuk pardonnent et Sara choisit de vivre.

Première publication de Niviaq Korneliussen, décrite par The New Yorker comme la « nouvelle étoile du Nord », Homo sapienneest un texte qui rentre dedans.

 

Je suis resté plus longtemps que prévu là-bas parce que j’étais fasciné par le travail du metteur en scène Eric Jean. On n’a pas idée, simples spectateurs que nous sommes, du niveau de détail qu’on doit atteindre pour qu’un spectacle fonctionne. Parle plus fort! Assieds-moi plus à gauche car je te trouve trop proche d’elle! Je veux sentir du DÉSIR dans cette réplique-là! Marche moins vite quand tu rentres sur scène! Et les acteurs Sophie Desmarais, Émilie Gilbert, Soleil Launière, Etienne Louet Jade-Mariuka Robitaille qui s’adaptent à chaque nouvelle exigence du metteur en scène, pour présenter le meilleur show possible… Impressionnant.

19 h 40

Départ du centre-ville pour me rendre au Théâtre Outremont, afin de prendre des photos et d’assister au spectacle Mon voyage en Amérique.

20 h 08

Arrivée au théâtre. Le parterre est presque plein. Sur scène, la comédienne Pascale Montpetit, à qui Kim Yaroshevskaya a demandé de narrer son récit publié aux Éditions du Boréal en décembre dernier, est seule, assise à une table, avec pour seul élément de décor un grand écran, derrière elle, sur lequel on projette des images qui viendront appuyer le récit. Avec toute l’intelligence, l’humour et la finesse qu’on lui connaît, l’auteure réussit à nous faire rire et à nous émouvoir, durant ce voyage inusité qui débute quand, à l’âge de dix ans, elle quitte son Moscou natal pour rejoindre ses grands-parents maternels à New York (elle aboutira chez sa tante, à Montréal, puis sur nos scènes et dans nos téléviseurs).

Je retiendrai de ce spectacle ce moment où Pascale Montpetit raconte comment madame Yaroshevskaya invente son personnage qui l’a rendue célèbre : nous sommes au milieu des années 50, elle discute sur le trottoir avec les comédiens de la future série télévisée jeunesse Fafouin. Chacun annonce aux autres quel personnage il jouera : Jacques Létourneau dit : « Je serai un pirate et je m’appellerai Maboule ». Guy Messier enchaîne : « Je serai un clown et je m’appellerai Fafouin. » Vient ensuite Huguette Uguay : « Je serai une pendule et je m’appellerai Gudule ». Arrive enfin le tour de Kim Yaroshevskaya, qui n’est a priori pas du tout inspirée ! Elle se souvient alors qu’enfant, elle désirait plus que tout avoir une poupée; elle jouera donc une poupée ! Pour le nom, un mot lui vient en tête, un mot dont elle ne connaît pas vraiment la signification, mais dont elle aime la musique : Fanfreluche (une franfreluche est une garniture légère, un enjolivement sur un vêtement féminin). À l’audition de ce mot, « franfreluche », les gens dans la salle se sont spontanément mis à applaudir ! Et lorsqu’une photo du personnage est apparue sur le grand écran derrière Pascale Montpetit, ces applaudissements nourris ont été accompagnés de ahhhhhhhhh remplis de tendresse. Soixante ans après sa création, Franfrelche continue de faire son effet.

Je n’aurai pas le temps de voir la fin de ce spectacle, car à…

21 h 30

… c’est le début du Cabaret du FIL, au Bistro de Paris, animé encore cette année par le poète François Guerrette, flanqué sur scène des musiciens de Mutante Thérèse : Jean-François PoupartLaurent Aglat, Nicolas Therrien et Mercury Brown, qui accompagnent les lectures de poésie. Durant toute la semaine, à tous les soirs, on a pu entendre des voix essentielles de notre poésie contemporaine à ce fameux bistro; hier, c’était Benoit Jutras, Jean-Christophe Réhel, Emmanuelle Riendeau et Émilie Turmel qui avaient la mission de livrer leurs mots aux nombreux spectateurs présents.

Il faut assister au moins une fois dans sa vie à une lecture de poésie dans un bar. C’est un microcosme en soi : il s’y passe des choses fantastiques, imprévues, même si généralement on y retrouve pas mal toujours les mêmes personnages : des quidams qui ne savaient pas qu’une soirée de poésie allait avoir lieu et qui parlent entre eux sans écouter ce qui se passe sur scène; un(e) poète dont l’œuvre ne nous rejoint pas vraiment; un(e) poète qui nous était inconnu(e) et qui nous jette sur le cul; le barman ou la barmaid qui fait trop de bruit en rangeant les bocks propres au-dessus du zinc; le spectateur saoul qui invective les performeurs; etc.

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Hier, la soirée allait commencer, Émilie Turmel allait ouvrir la bouche pour déclamer son premier vers, mais uns altercation entre deux joueurs de machines à poker, dans le fond du bar, a retardé de plusieurs minutes le début du spectacle. L’animateur François Guerrette a resettéla soirée de main de maître de cérémonie, au moment où l’un des belligérants, vociférant, à quitter le Bistro, et dame Turmel a finalement pu s’exécuter. Vint ensuite l’exubérante Emmanuelle Riendeau, qui a improvisé une chorégraphie entre deux poèmes, pichet à la main, électrisée par les riffs diaboliques de Jean-François Poupart.

Après les excellentes lectures des poètes Réhel et Jutras, une pause a été décrétée. J’en ai profité pour discuter avec mon pote Stéphane Larue #namedropping, qui travaille lentement mais sûrement à faire avancer son prochain roman, même si son Plongeurreste très présent dans notre vie littéraire et nos palmarès des ventes. On se disait que la poésie québécoise était vraiment extrêmement foisonnante et excitante, que nous vivions un véritable âge d’or de la poésie au Québec, et que nous étions chanceux d’en profiter.

22 h 45

C’est l’heure de rentrer. J’ai à peine vu ma blonde depuis huit jours. J’ai envie d’aller m’étendre à ses côtés et de jaser quinze minutes avec elle, avant de tomber endormi, complètement épuisé.

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