LE MOT DE LA DIRECTRICE

Michelle-Corbeil-photo-Yves-RenaudEn 1994, Gaston Miron, Roland Giguère, Claire Martin et Anne Hébert sont toujours vivants. Tout comme Bruno Roy, Gil Courtemanche, Gaétan Soucy, Nelly Arcan et tant d’autres écrivains qui ont marqué notre imaginaire. D’autres auteurs, qui occupent aujourd’hui une place importante sur la scène littéraire, sont encore des enfants ou des adolescents. À cette époque, il est déjà question des problèmes d’alphabétisation, de la fragilité de notre réseau de librairies et du manque de ressources pour les bibliothèques, notamment lors du premier grand Sommet du livre et de la lecture de 1998, autant de questions qui ne sont toujours pas résolues.
Lorsque l’Union des écrivaines et des écrivains québécois crée son festival en 1994, il existe peu d’événements littéraires au Québec en dehors des salons du livre. Il y a bien sûr le Festival international de la Poésie de Trois-Rivières, le Festival de Trois, le Festival interculturel du conte du Québec et la Rencontre québécoise internationale des écrivains, mais il n’existe pas de manifestation visant à promouvoir tous les genres littéraires auprès du grand public. Dans les librairies, on n’accueille les écrivains que pour des séances de signatures. Il y a peu de relève pour succéder à des passionnés comme Janou Saint-Denis. C’est dans cet esprit que l’UNEQ décide de créer un festival littéraire visant à promouvoir et à faire rayonner de façon originale la littérature québécoise. Le jazz, le théâtre, le cinéma et la danse ont leurs festivals. La littérature a dorénavant le sien.

Le temps a passé depuis ce premier festival. Le FIL vole de ses propres ailes depuis maintenant plus de dix ans et je suis très fière d’avoir hérité d’un événement culturel créé par des écrivains. Je l’ai dit à maintes reprises, je ne suis pas une écrivaine mais j’ai pour eux une immense gratitude car « c’est dans leurs livres que je trouve, comme l’a écrit Alberto Manguel, ma propre histoire ». Je me considère par contre comme une femme de lettres qui ne peut concevoir sa vie sans les livres, sans la lecture, et qui rêve de partager avec le plus grand nombre possible de personnes cette passion. Et puis, tout comme l’a écrit la poète Sylvia Plath, « ce que je redoute le plus, je crois c’est la mort de l’imagination. Quand le ciel, dehors, se contente d’être rose, et les toits des maisons noires : cet esprit photographique qui, paradoxalement, dit la vérité vaine sur le monde ». Je crois aussi, tout comme l’écrivaine russe Ludmila Oulitskaïa, que « la littérature est la seule chose qui aide l’homme à survivre et à se réconcilier avec son temps ».

On ne dira jamais assez l’importance de la lecture, comme pur plaisir naturellement, mais aussi comme instrument de réussite scolaire et de développement socioéconomique et culturel. Premier événement de la Saison de la lecture à Montréal, le FIL est une véritable bibliothèque vivante qui permet chaque année à des milliers de lecteurs et lectrices de découvrir des œuvres littéraires de façon originale et inattendue. Une bibliothèque qui, j’en suis certaine, vous donnera ensuite envie de lire davantage grâce à l’inventivité et le talent d’écrivains et d’artistes de toutes disciplines qui occupent « autrement »pendant dix jours la scène culturelle et l’espace public montréalais.

Le FIL a célébré avec éclat ses 20 ans d’existence à l’automne 2014. Cette édition anniversaire, je l’avais dédiée à ses fondateurs ainsi qu’à tous ceux et celles qui ont rêvé, imaginé, réalisé le FIL au cours des dix-neuf dernières années. Sans eux, cette grande fête n’existerait pas. Je tiens à remercier tous nos partenaires ainsi que toute la merveilleuse équipe du FIL pour leur soutien et leur enthousiasme.

Michelle Corbeil
Directrice générale et artistique